Section 4 - Les effets cumulés, les interactions et la fragmentation écologique

Introduction

La fragmentation écologique désigne la rupture des continuités naturelles qui permettaient aux espèces de circuler, de se nourrir, de se reproduire ou de se disperser. Elle constitue aujourd'hui l'une des principales causes d'érosion de la biodiversité en France. Lorsqu'une nouvelle infrastructure vient s'ajouter à un paysage déjà traversé par des routes, des voies ferrées, des canalisations ou des zones urbanisées, elle contribue à diviser les habitats naturels en parcelles isolées, souvent trop petites pour maintenir des populations viables.

Dans le cas du projet de ligne nouvelle Bordeaux - Toulouse, les effets ne se limitent pas aux seules emprises du chantier. Les travaux préalables, les pistes d'accès et les franchissements de cours d'eau s'inscrivent dans un contexte territorial déjà très anthropisé. Ils peuvent accentuer la dégradation des corridors écologiques reliant les vallées, les boisements, les zones humides et les milieux agricoles encore fonctionnels. Ces interactions peuvent provoquer une cascade d'effets : perte de connectivité, diminution de la diversité génétique, augmentation de la mortalité des espèces lors des déplacements et altération des fonctions écologiques essentielles.

L'évaluation des effets cumulés consiste à examiner non seulement l'impact direct du projet, mais aussi sa contribution à la pression globale exercée sur le milieu naturel. Elle est indispensable pour apprécier la compatibilité du projet avec les objectifs de protection de la biodiversité, notamment ceux fixés par la Trame verte et bleue et les schémas régionaux de cohérence écologique.

Cette section vise à aider le public à comprendre les mécanismes de fragmentation et d'effets cumulés, à identifier les points où le dossier ne permet pas une vision d'ensemble, et à formuler des avis visant à renforcer la cohérence écologique du territoire. Elle invite à questionner la manière dont le projet prend en compte la continuité des milieux et la capacité des espèces à se déplacer dans un paysage déjà contraint par de multiples infrastructures.

Le territoire traversé par la ligne nouvelle comprend déjà plusieurs grands axes de transport, zones industrielles et projets d'aménagement. Ces éléments exercent des pressions conjuguées sur les milieux naturels. Le dossier d'autorisation ne présente pas d'analyse détaillée de la somme de ces effets, ni de leur incidence combinée sur la faune, la flore et les ressources en eau. 

L'absence d'évaluation cumulative empêche de mesurer l'impact global du projet sur l'environnement et rend l'étude d'impact incomplète au regard des exigences du Code de l'environnement. Avis défavorable.

Les corridors écologiques permettent le déplacement des espèces entre les habitats. Le projet traverse plusieurs axes de continuité identifiés dans les documents régionaux et locaux de planification écologique. Le dossier mentionne la mise en place d'ouvrages de franchissement, mais sans démontrer leur adéquation avec les besoins des espèces locales ni leur localisation exacte.

Sans justification scientifique de la fonctionnalité des ouvrages de franchissement, la continuité écologique n'est pas garantie, ce qui constitue un manquement aux engagements de la Trame verte et bleue. Avis défavorable.

Les effets de la fragmentation ne se manifestent pas immédiatement. Ils apparaissent souvent plusieurs années après la mise en œuvre du projet, lorsque les populations d'espèces se retrouvent isolées. Le dossier ne comporte pas de projection à long terme permettant d'évaluer cette évolution progressive.

Sans étude prospective des effets différés de la fragmentation, l'évaluation environnementale est lacunaire et ne permet pas d'apprécier la durabilité des mesures proposées. Avis défavorable.

La fragmentation touche simultanément plusieurs types d'habitats : zones humides, boisements, prairies et corridors aquatiques. Le dossier présente ces milieux de façon séparée, sans évaluer les interactions entre eux. Or, leur interdépendance conditionne le maintien de la biodiversité locale.

En n'analysant pas les interactions entre milieux, le dossier ne permet pas d'évaluer l'équilibre écologique global, ce qui contrevient à l'approche intégrée exigée par la réglementation. Avis défavorable.

La compensation écologique ne peut être efficace que si elle rétablit des continuités fonctionnelles. Les mesures proposées se concentrent sur la création de zones compensatoires dispersées, sans garantie qu'elles contribuent réellement à reconnecter les habitats. 

Si les mesures compensatoires ne restaurent pas la connectivité écologique du territoire, elles ne répondent pas à l'objectif de maintien des fonctionnalités naturelles fixé par le Code de l'environnement. Avis défavorable.

Plusieurs espèces protégées, déjà fragilisées par d'autres infrastructures, subissent des pressions multiples. Le dossier ne présente pas de bilan global des populations concernées à l'échelle régionale ni d'analyse de la synergie entre projets.

Sans prise en compte des pressions cumulées sur les espèces protégées, la démonstration du maintien d'un état de conservation favorable n'est pas établie, ce qui rend la dérogation illégale. Avis défavorable.

Les schémas régionaux de cohérence écologique et les plans climat-air-énergie territoriaux fixent des objectifs précis de restauration de continuités écologiques. Le dossier d'autorisation ne précise pas en quoi le projet s'articule avec ces documents, ni comment il contribue à leurs objectifs.

L'absence de cohérence démontrée entre le projet et les documents de planification écologique régionaux contrevient au principe d'intégration environnementale imposé par la réglementation. Avis défavorable.

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